MELODY - In construction

« La lune m'adresse un maigre sourire depuis son ciel bleu diamant. Les étoiles brillent timidement, comme si une fée avait saupoudré ma chère ville de sa poussière magique. Le vent glacial d'hiver rougit mes joues et mon nez et gerçe mes lèvres et fait se balançer mes rideaux comme des fantômes ; j'ai froid. La nuit réveille mes sens, et même si mes poumons me brûlent, j'appréçie sa fraîcheur, son obscurité, comme si un morceau de ciel coulait sur moi et mon cahier. J'aimerais admirer son silence, mais cela m'est malheureusement interdit : ici, les discothèques clignotent, on hurle dans les cafés, les ados s'éclatent, la nuit est à eux. Ils dansent jusqu'à tard, ils s'oublient, j'imagine que ça leur permet de décompresser. Pourtant, on croirait que nous, enfants riches et gâtés n'auriont pas à nous plaindre. Mais même ici, voyez vous, l'être humain a ses problèmes. Et comme partout ailleurs, il pense que les siens sont les pires. Eux en particulier. Ces gosses égoistes et arrogants s'imaginent que, malheureux qu'ils sont, ils ont le droit de se foutre du reste. Ils ont tort. Je les déteste.

Pourtant, je suis comme eux. Je m'appelle Melody, j'ai 15 ans, et moi aussi je vis dans une belle villa, à Odano. Mais je ne me suis jamais sentie comme les gens d'ici. Je regarde les lumières de la ville depuis ma chambre, et j'ai envie de partir d'ici. Là ou toutes les filles ne sont pas des pestes fumeuses et fashion victimes en puissance, et ou les garçon sont autre chose que bêtes et ... bêtes. Mais les garçons j'y connais rien, alors peut être que c'est normal. Enfin ce que j'aimerais, c'est trouver quelqu'un de vrai. Quelqu'un qui soit - je ne sais pas comment l'expliquer - authentique. Qui se détache de cette masse tellement banale. Mais je ne suis pas qualifiée dans le rôle de l'exploratrice. Tout ce que je trouve, c'est ma propre solitude. Ça ne m'a jamais particulièrement gênée d'être associale. On ne me voit pas, ne m'entend pas, et ce n'est pas plus mal. Toujours se débattre, s'empêtrer dans des relations tulmutueuses, porter le masque du sourire, tout ça je n'en veux pas. La solitude vous savez, ce n'est pas si terrible. On observe, on comprend. Je les connaîs mieux qu'ils ne se connaissent, mes compagnons de classe. Mais ma petite vie est si terne ... coincée ici, franchement. J'en ai assez. J'aurai mieux à faire ailleurs. Enfin, je m'emmêle un peu là. Il fait froid, vraiment. »

Elle s'emmitoufla un peu plus dans sa grande écharpe et souffla sur son chocolat chaud.

« Odano. Je n'y ai pas grandis en fait. Je ne suis ici que depuis 3 ans. Avant, je vivais en Australie. Pour information, mes parents sont séparés - mais c'est courant, de nos jours, je crois? Vous savez, je pense que je me suis trompée d'époque. Enfin, regardez moi. Je ne parle pas de mon physique - encore que -, mais il suffit de m'écouter parler. J'aurais plus eut ma place au 19 ème siècle. D'ailleurs, j'ai un faible pour les robes, je ne mets jamais de jeans. Ce monde ci tourne un peu trop vite pour moi. Trop de lumières, de sons, de couleurs ... je ne sais pas comment je vais m'en sortir ici. La seule chose en quoi je sois douée, c'est les Lettres. J'adore écrire, lire, tout ça. J'imagine que mon image de fille effacée n'en ressort que plus. Mais je m'en fiche je vous dit ! Ils sont tout aussi banals que moi, les gens qui m'entourent. Ma mère, par exemple. Elle est fade, amère, une femme finie. Elle tente de paraître jeune, d'être branchée, dans le temps ; elle est malheureuse et boit. Par ailleurs, je l'aime beaucoup, contrairement à mon paternel, dont la seule qualité est d'être riche et »

Melody reposa son stylo plume. Elle venait de couvrir deux pages de son cahier d'un ramassis de bêtises. Avec un petit soupir, elle les arracha soigneusement et les jeta dans la corbeille à papier. Elle se massa les tempes avc ses doigts engourdis par le froid, tandis qu'une douleur sourde mais agaçante commençait à tirailler son crâne. Son regard se perdait à nouveau dans le ciel obscur, quand un bref baîllement lui échappa. Le sommeil finit par prendre le dessus, et la jeune fille sombra sagement en s'affalant sur le bureau.

Melody avait maladroitement tenté de se présenter dans ce qui devait être son journal intime. Mais la construction de texte n'étant pas son fort, elle dérapait toujours et s'enflammait bien trop façilement. Sans doute était ce du à un certain effacement le jour, en classe. Mais sur le papier, un stylo entre les doigts, la jeune fille n'était plus la même. Si les gens savaient tout ce que contenait son coeur, nul doute qu'ils y prêteraient plus d'attention. Mais n'en est il pas ainsi pour chacun? Pourtant, la jeune fille se sentait si pleine à l'intérieur, si riche. Son plus grand défaut était d'ignorer la juste recette pour partager, extérioriser ses sentiments. Elle avait le sentiment d'une profonde injustice à se trouver coincée, seule, et cela la rendait irritable et méchante. Melody Hallson s'était à ce point refermée sûr elle même que ce qui dominait ses pensées, c'était le mépris, la froideur. Bref, elle est butée et désagréable, alors qu'avec un peu de souplesse, elle se découvrirait des trésors de gentillesse et d'attention.